Eloignons le spectre de la guerre !

Destinataire(s) : tout le monde
Eloignons le spectre de la guerre !

Eloignons le spectre de la guerre !

 

Nous autres scientifiques, économistes, hommes de lettres, hommes de religion et des personnes de la société civile sommes outrés de voir ce qui se passe entre deux pays frères l’Algérie et le Maroc. Nous disons stop à cette escalade alimentée sans cesse par le feu des réseaux sociaux.

La guerre de 4ème génération est connue comme étant la guerre de la désinformation impliquant des populations non nécessairement militaires. Elle est menée par des groupes nationaux ou transnationaux et suivant des idéologies fondées sur des convictions culturelles, sur des dogmes religieux, sur des intérêts économiques ou politiques avec comme objectif de semer le chaos dans un endroit visé du monde. La guerre de 4ème génération est un concept qui a été proposé en 1989 par deux colonels de l’armée américaine. Ils avançaient à l’époque que cette guerre de quatrième génération serait largement répandue et paradoxalement indéfinie dans les décennies à venir. Il est précisé également que la distinction entre un état de guerre et un état de paix serait floue, qu'il n'y aurait plus de différenciation non plus entre le civil et le militaire, au point où il n'y aurait aucun champ de bataille ou de front définissable.

Avec l'apparition des réseaux sociaux, le champ de bataille dont les contours étaient flous a trouvé un lieu de prédilection pour ce type de guerre. Nous assistons depuis plusieurs années à l’émergence de ce genre de choses dans les réseaux sociaux algériens et marocains boostés par des stratèges qui ne veulent du bien ni au Maroc ni à l’Algérie et on a laissé ceux qui ne connaissent rien déverser leur haine sur le voisin en face par le biais d’un clavier. Cette guerre avec des claviers interposés est arrivée à son apogée ces derniers temps, il n’y a plus qu’à allumer le feu et la région s’enflammera.

L’Algérie et le Maroc partagent une frontière de plus de 1700 Km, c’est-à-dire la distance qui sépare Lille de Séville, autrement dit, il faut traverser l’équivalent de deux pays : la France et l’Espagne pour parcourir cette dépendance physique entre les deux pays, en revanche il n’existe aucune métrique qui peut estimer avec précision le lien socio-culturel entre ces deux dizygotes.  

Les habitants originels de ces deux pays sont les berbères qui d’après certains historiens ont plus de 4000 ans. Il y a 20 et 12 millions de berbères respectivement au Maroc et en Algérie. Ce sont ces mêmes berbères qui sont devenus un jour pour certains des Marocains et pour d’autres des Algériens. Une frontière n’est pas un mur infranchissable, mais juste un indicateur précisant la limite entre deux pays à l’instar de deux jardins voisins. Cependant, des hommes et des femmes l’ont traversée durant des millénaires, c’était chez eux de part et d’autre, on a partagé des repas, on a célébré des fêtes communes, on s’est marié, on s’est quitté, on a emmené le bétail dans les pâturages là où il y en avait, on a mené des batailles ensemble, on s’est réfugiés chez l’autre, … On a tout simplement édifié un peuple.

Les musulmans sont arrivés au Maghreb dans une expédition menée par Okba Ibn Nafaa qui fonda en 670 la Ville de Kirouan dans l’actuelle Tunisie. Ibn Nafaa est né à la Mecque en 622 et vers 682, il arrive à l’Atlantique. Cette phase d’islamisation des berbères ne s’est pas passée sans heurts. Il décède à Biskra dans l’actuelle Algérie dans une embuscade tendue par des Berbères.

Tarik Ibn Ziyad, un autre Berbère lié à ces deux pays, un affranchi de Moussa Ibn Noussayer, le gouverneur du Maghreb au temps des Omeyades, a conduit une expédition, à partir de l’actuel Maroc, pour islamiser la péninsule ibérique. L’expansion a suivi l’axe Biskra, Tlemcen, Tanger pour arriver ensuite en Andalousie. C’est ce guerrier qui a donné son nom à Gibraltar dont la translittération en arabe est « Jabal Tarek » qui veut dire la montagne de Tarek. Ce court rappel historique est là pour montrer l’enchevêtrement des personnes, des événements et de la culture.

L’Algérie et le Maroc sont donc reliés par l’histoire et la géographie, cependant il existe de vraies querelles byzantines, même si pour les uns et les autres leurs discordes sont très sérieuses, elles sont byzantines parce que l’essentiel est ailleurs, il est dans les problèmes géostratégiques qui sont beaucoup plus profonds et auront des conséquences sérieuses sur l’avenir du monde arabo-musulman.

Nous sommes consternés par ce qui se passe de part et d’autre, nous percevons tous les signes annonciateurs d’une guerre réelle, les stratèges ont bien travaillé depuis des décennies pour nous mettre dans cette position. Personne ne sortira gagnant d’une guerre, aucun pays au monde n’a réussi à résoudre des problèmes avec ses voisins en lui faisant la guerre. Pour ceux qui l’ignorent une guerre peut durer des années voire des décennies. Juste pour donner quelques chiffres, la guerre en Afghanistan menée par les US a duré vingt ans et aurait coûté 2100 milliards de dollars avec le résultat que nous lui connaissons tous : retour au point de départ ! Cette guerre aurait coûté en moyenne dans les 105 milliards de dollar par an aux US, sans compter les dégâts humains, structurels et économiques provoqués en Afghanistan. Les PIB respectifs de l’Algérie et du Maroc étaient de 141 et 112 milliards de dollars en 2021. Sommes-nous prêts à mettre toutes nos ressources financières dans une guerre qui ne résoudra rien ? Les uns et les autres trouveront de l’aide en interne au détriment d’un appauvrissement de la population, d’autres se tourneront vers l’extérieur et endetteront les futures générations pendant des siècles.  Qui sortira gagnant de cette guerre ? Posez-vous la question ? ça ne sera ni l’Algérie ni le Maroc. Pense-t-on qu’en faisant la guerre, les problèmes actuels seraient résolus ? Evidemment que non. Les problèmes ne se résolvent pas avec la guerre. Supposons qu’on puisse penser qu’en faisant la guerre, on affaiblira le voisin et il ne s’occupera plus que de ses problèmes internes et oubliera son voisin. Cette hypothèse est complètement naïve et irréaliste. Ne cédons pas aux sirènes de la guerre, le bruit des bottes doit s’éloigner, nous avons énormément de points qui nous relient et très peu qui nous divisent. Poussons nos dirigeants à se retrouver entre eux, juste avec une théière, des bklawas et des cornes de gazelle, sans que personne n’en sache rien et sans que les uns et les autres posent des conditions préalables aux échanges. Finissons par un verset de notre livre qui est connu par tout le monde et que les uns et les autres entendront nous l’espérons :

إِنَّمَا ٱلْمُؤْمِنُونَ إِخْوَةٌ فَأَصْلِحُواْ بَيْنَ أَخَوَيْكُمْ ۚ وَٱتَّقُواْ ٱللَّهَ لَعَلَّكُمْ تُرْحَمُونَ

Ne laissons pas le champ libre à ceux qui vocifèrent sur les réseaux sociaux et qui ne sont conduits que par des visions étriquées de la situation géo-stratégique de nos pays. Si vous êtes d’accord avec cette initiative, signez-la et peut être qu’elle arrivera jusqu’aux oreilles de nos dirigeants et espérons-le ceux qui beuglent sur les réseaux sociaux cesseront de verser de l’huile sur le feu.

Auteur : Pr Dr K.SMAILI

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